Vous êtes propriétaire d’un bien que vous louez ou envisagez de devenir bailleur ? Attention, le marché locatif français traverse actuellement une crise sans précédent qui pourrait bien remettre en question votre projet. Foncia, leader de la gestion locative en France avec 400 000 biens gérés, tire la sonnette d’alarme : le groupe a perdu 25% de ses propriétaires bailleurs en 2024, soit 10 000 biens loués en moins par rapport à 2023. Un phénomène inquiétant alors que la demande locative ne cesse d’augmenter. À l’origine de cette désaffection massive : les nouvelles réglementations environnementales qui imposent des travaux coûteux, parfois jugés insurmontables par de nombreux propriétaires.
La fuite silencieuse des propriétaires particuliers
Jordan Frarier, président de Foncia Transaction, ne cache pas son inquiétude face à ce qu’il considère comme sa « préoccupation principale » en ce début d’année. Lors d’une conférence de presse tenue le 30 janvier, il a souligné que ce ne sont pas des multipropriétaires fortunés qui quittent le marché, mais bien des particuliers ordinaires, « monsieur et madame Tout-le-monde », qui avaient investi dans l’immobilier pour se constituer un complément de retraite.
Le cas révélateur de Boulogne-Billancourt
Zahir Keenoo, directeur de Foncia ADB (administration de biens), illustre cette situation par un exemple frappant. À Boulogne-Billancourt, dans les Hauts-de-Seine, l’agence ne dispose plus que d’une dizaine de lots vacants, dont la moitié sont des parkings, alors qu’elle en comptait environ 400 auparavant. Cette pénurie intervient paradoxalement au moment où la demande explose, alimentée par les séparations de couples et l’arrivée massive d’étudiants issus du pic de naissances des années 2000.
« La situation s’est complètement inversée en quelques années. Nous avions toujours plusieurs milliers de lots vacants dans notre portefeuille. Aujourd’hui, nous peinons à satisfaire la demande, » constate Zahir Keenoo.
Astuce en + : Si vous cherchez à louer un bien, déposez votre dossier auprès de plusieurs agences et anticipez vos recherches au moins trois mois avant la date souhaitée d’emménagement pour maximiser vos chances.
La loi Climat : le coup de grâce pour les petits bailleurs
Parmi les multiples contraintes qui pèsent sur les propriétaires bailleurs (encadrement des loyers, taxe foncière en hausse, fin du dispositif Pinel), la loi Climat et résilience de 2021 apparaît comme le facteur déterminant de cette désertion massive.
Un calendrier d’interdiction qui effraie les propriétaires
Cette loi prévoit un calendrier progressif d’interdiction de mise en location des logements énergivores :
- Dès le 1er janvier 2025 pour les logements classés G sur le diagnostic de performance énergétique (DPE)
- À partir de 2028 pour les biens classés F
- En 2034 pour les logements notés E
Les contrats en cours bénéficient d’un régime transitoire jusqu’à leur renouvellement, moment où le locataire peut exiger des travaux de rénovation ou une réduction de loyer. Une tentative d’assouplissement pour les copropriétés a été rejetée par l’Assemblée nationale le 29 janvier, maintenant la pression sur les propriétaires.
Notre conseil déco : Pour améliorer le DPE de votre logement sans travaux lourds, commencez par installer des rideaux thermiques épais, des joints d’étanchéité aux fenêtres et un thermostat connecté, qui peuvent déjà faire gagner quelques points.
L’équation économique impossible des rénovations
Le coût des travaux de rénovation énergétique représente le principal obstacle pour les propriétaires bailleurs, qui se retrouvent face à une équation financière souvent insoluble.
30 000 euros pour un simple studio
« Pour faire passer un logement de la classe G à la classe F sur le DPE, il faut compter un minimum de 500 euros par mètre carré, » explique Zahir Keenoo. Concrètement, cela représente environ 30 000 euros pour un studio de 30 mètres carrés, une somme considérable que de nombreux propriétaires ne peuvent ou ne veulent pas investir, surtout face à une rentabilité déjà mise à mal par les autres contraintes.
Sans solutions de financement adaptées, certains propriétaires se tournent vers des prêts à la consommation avec des taux exorbitants allant de 15 à 20%, une option qui dégrade encore davantage la rentabilité de leur investissement.
La vente : une issue rationnelle face à l’impasse
Face à ce dilemme, de nombreux propriétaires choisissent logiquement de vendre leur bien plutôt que d’engager des travaux coûteux pour continuer à louer. Cette tendance alimente un cercle vicieux : moins de logements disponibles à la location, une pression accrue sur le marché locatif et des difficultés croissantes pour les candidats locataires, particulièrement dans les grandes métropoles.
« Lorsqu’un propriétaire doit choisir entre investir 30 000 euros dans un logement au DPE médiocre ou le vendre, le calcul est vite fait pour la majorité d’entre eux, » constate Jordan Frarier.
Quelles perspectives pour le marché locatif ?
Cette crise soulève des questions essentielles sur l’avenir du logement locatif en France. Sans mesures adaptées pour accompagner les propriétaires bailleurs dans la transition énergétique, le risque d’une contraction durable du parc locatif privé est réel.
Des solutions à inventer rapidement
Pour enrayer cette tendance inquiétante, plusieurs pistes pourraient être explorées :
- Créer des mécanismes de financement spécifiques avec des taux accessibles pour les propriétaires bailleurs
- Adapter le calendrier d’interdiction aux réalités du terrain, notamment pour les copropriétés
- Mettre en place des incitations fiscales pour les propriétaires qui maintiennent leur bien dans le parc locatif après rénovation
L’essentiel
La réglementation énergétique provoque une fuite massive des propriétaires bailleurs du marché locatif français. La loi Climat et résilience, interdisant progressivement la location des passoires thermiques, impose des travaux jugés trop coûteux par de nombreux propriétaires particuliers.
Pour les propriétaires concernés par cette situation :
- Évaluez précisément le coût réel des travaux nécessaires pour améliorer le DPE de votre logement
- Renseignez-vous sur toutes les aides disponibles, même si elles sont limitées pour les investisseurs
- Calculez l’impact d’une rénovation sur la valorisation potentielle de votre bien à la revente
- Comparez avec objectivité les scénarios de vente immédiate ou de conservation après travaux
- Anticipez le calendrier légal pour éviter d’être pris au dépourvu lors du renouvellement des baux
Face à l’équation économique défavorable de 30 000€ de travaux pour un simple studio, la vente apparaît comme une décision rationnelle pour de nombreux bailleurs, aggravant ainsi la pénurie de logements locatifs dans un contexte de demande croissante